Sky Greens, ferme verticale high tech à Singapour

Singapour, Sky Greens : ferme verticale qui se présente comme high tech et durable, créée par la société Sky Greens, fondée par l’entrepreneur Jack Ng en collaboration avec la Agri-Food and Veterinary Authority of Singapore (AVA) en 2010. En 2019, l’AVA a fixé comme objectif que les besoins du pays soient couvert à 30% par la production locale en 2030. Ce projet a reçu plusieurs prix (en 2011 le Minister for National Development’s R&D Award, en 2014 le Singapore Sustainability Awards, en 2015 elle s’élève dans le top 5 du INDEX: the world’s biggest design award). Singapour a donné à Sky Greens la certification SS 632 de ferme organique. Cette ferme prône un modèle productiviste et pragmatique de l'agriculture urbaine moderne, dans laquelle les fermiers sont perçus comme des «agrotechnologues ».

Ferme Verticale Skygreen

Contexte

Singapour est l’une des villes les plus densément peuplée au monde. 90 % de la consommation alimentaire de Singapour est couverte par des importations en provenance de plus de 30 pays (Malaisie, Indonésie mais aussi des pays éloignés comme la Chine et même l’Europe et les États-Unis). Singapour est donc particulièrement vulnérable face aux pénuries de nourriture et aux variations de prix. Ce n’était pas le cas jusque dans les années 1980 (le pays était autosuffisant dans les denrées carnées), où le pays a connu une forte période d’urbanisation et les terres agricoles se sont raréfiées.

Face à cette nécessité de créer une agriculture à haute productivité pour maximiser la production locale de denrées dans un espace très restreint et atteindre l’autosuffisance, le gouvernement a lancé en 2017 la Farm Transformation Map. Cette initiative, qui met l’accent sur la technologie (techno-solutionnisme) pour réduire la dépendance alimentaire de Singapour, envisage les fermes verticales comme solution. Les fermes comme Sky Greens reçoivent donc un fort soutien de la part du gouvernement.

Marchés

La ferme produit une tonne de légumes chaque jour (5 à 10 fois plus productif qu’une ferme traditionnelle)

Elle produit une variété de légumes feuillus (salade, épinard, légumes tropicaux, etc.). L’objectif du gouvernement est d’atteindre 10% de production locale de feuillus (actuellement à 7%).

Les légumes sont récoltés tous les jours et livrés presque immédiatement aux points de vente.

La technologie Sky Greens

Système « A-Go-Gro » : les plantes sont cultivées dans des tours en aluminium en forme de A de 9m de haut avec 38 étages de bacs de culture (systèmes modulaires customisables, robustes, faciles à installer et à entretenir et légumes faciles à récolter, adaptables à des environnements variés). Il y avait 120 tours érigées en 2014.

  • La tour pivote sur elle-même (vitesse de 1 mm par seconde) pour assurer une distribution uniforme de la lumière et de l’irrigation dans les bacs et la bonne circulation de l’air sur toutes les plantes. Pour fonctionner, le système rotatif utilise l’énergie d’une poulie hydraulique à gravité qui utilise seulement 1L d’eau (recueillie par les pluies).

  • Utilisation de l’hydroponie : système de récupération d’eau de pluie qui permet l’irrigation et le fonctionnement des poulies hydrauliques (grâce au système d’arrosage par “inondation”, seulement 0,5 L d’eau sont nécessaires pour faire tourner une tour)

  • L’eau qui alimente la structure est contenue dans un réservoir souterrain et est filtrée avant de retourner aux plantes, les déchets organiques des plantes sont compostées et réutilisés en fertilisants.

  • Pour éviter l'utilisation de pesticides, l'environnement est contrôlé (protégé des pathogènes extérieurs) et le cycle de croissance des plantes est comprimées (les plantes sont récoltées avant d'avoir atteint la maturité, et donc avant que les insectes les attaquent : à 21-24 jours, contre 40 jours en agriculture traditionnelle)

  • Automatisation du système

Ces paramètres optimisés et le choix d’utiliser la lumière naturelle permettent de maintenir des coûts de production relativement bas (coût électrique de 3$/structure/mois, chaque tour a besoin d’une puissance électrique de seulement 40W)

Acceptation sociale

A la fin des années 80, Singapour a mené une campagne pour modifier la perception des habitants pour qu’ils acceptent la viande importée (en prévision de l’arrêt d’élevage de porcs locaux). Ces dernières années, il y a un regain de demandes de produits locaux (comme dans d’autres pays riches et très développés), avec une opinion publique qui dit accorder davantage d’importance à la santé et l’environnement (tendance de la prise de soin de soi et de l’environnement à travers l’alimentation).

Perception du localisme à la fois géographique et philosophique (le sol apparaît comme un tissu connectant les humains et le paysage), le localisme renvoi aussi à la notion de sécurité (absence de pesticides, produits frais). Mais la question du localisme est en réalité complexe : quelle partie du processus (plantation, croissance, distribution) est locale ? Par ailleurs, les fermes verticales redéfinissent la notion du localisme : leurs plantes sont certes produites à proximité des consommateurs mais elles ne sont pas du tout endogènes à l’environnement de Singapour (la croissance de ces plantes exotiques est rendue possible car elle se fait hors sol et sans contact avec l’air extérieur) -> perçu plutôt positivement par les consommateurs

Avis mitigé de la part de la communauté scientifique concernant la réelle diminution de l’empreinte carbonne de ces fermes verticales locales par rapport à des fermes conventionnelles (la réduction de l’empreinte carbone du transport est compensée par la forte demande énergétique d’une agriculture en milieu contrôlé)

Un autre problème soulevé par ces fermes verticales est le prix de vente des produits qui est souvent plus élevé que pour les produits importés, ce qui alimente l’idée que les produits locaux sont destiné à une certaine catégorie de population (favorise l’élitisme de la nourriture et la gentrification)