The environnemental regulation of digital technology : a legal critique of the ‘ twin transition’

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Aude- Solveig EPSTEIN (Maître de conférences en droit privé à l’Université Paris Nanterre) : « The environnemental regulation of digital technology: a legal critique of the ‘ twin transition’ » - Séminaire public du groupe de travail « Politiques environnementales du numérique » du GDR 2091 Internet, IA et Société -  le 13/05/2025

Le résumé ci-dessous est issu du site du Centre de Sociologie de l’Innovation, trouvable à cette adresse : https://www.csi.minesparis.psl.eu/agenda/aude-solveig-epstein-universite-paris-nanterre/

L’Union européenne (UE) a récemment adopté la « double transition » – la poursuite simultanée de la numérisation et de la transformation écologique – comme principe central de sa politique industrielle. Les législateurs européens affirment que les technologies numériques peuvent renforcer la protection de l’environnement en optimisant l’utilisation des ressources, en améliorant la surveillance de l’environnement et en renforçant les initiatives de durabilité fondées sur des données. Toutefois, cette vision optimiste de l’éco-modernisation semble négliger les coûts environnementaux de la numérisation, notamment l’augmentation de la consommation d’énergie et d’eau, l’extraction des ressources et les déchets électroniques. Cet article examine de manière critique les efforts législatifs de l’UE dans le cadre de la double transition, en se concentrant sur le rôle du droit de l’environnement dans la numérisation de la société et la réduction de la nature à de simples données. Il affirme que, pour que la double transition aille au-delà d’un slogan politique et produise des avantages écologiques tangibles, de profondes réformes juridiques sont essentielles. La réglementation technologique doit s’éloigner de l’autorégulation des entreprises et les législateurs environnementaux doivent réévaluer l’efficacité de la gouvernance fondée sur la transparence. En outre, les cadres de gouvernance des données doivent être réorientés pour donner la priorité à la durabilité et favoriser la prise de décision démocratique en matière d’environnement.

La prise de notes a été réalisée collectivement au cours de la réunion sur ce pad : https://pad.picasoft.net/p/seminaire-aude-1305. Cette note de lecture prend appui sur ce qui a été relevé lors de ce séminaire et fait le lien avec notre projet.

Idée 1 : Les implications du changement de gouvernance environnementale de l’UE

Les technologies sont en capacité d’améliorer la surveillance de l’environnement et sont un apport essentiel.

  • Concept mis en place par l’UE de transition jumelées avec l’écologie et le numérique  

Optimisation de l’utilisation des ressources, amélioration du monitoring environnemental et promotion de l’usage des données en matière de durabilité et soutenabilité.

  • Le droit peut-il réconcilier durabilité et numérique ?

Cela soulève la question du coût politique et humain des transformations engendrées par le numérique et son évolution galopante.

  • Evolution affirmée de la réglementation européenne en matière de gouvernance environnementale : monitoring et pilotage par les données (data driven)

  • Une approche Eco modernisatrice 

L’innovation technologique, surtout dans le numérique, est la solution à la crise climatique. Promotion de la numérisation pour pouvoir collecter les données environnementales. Le droit aurait pour mission de promouvoir cette innovation.

Cf.  "La contamination du monde, Une histoire des pollutions à l'âge industriel" de F Jarrige & T Le Roux, https://www.seuil.com/ouvrage/la-contamination-du-monde-francois-jarrige/9782021085761

  • La législation a hérité en choisissant des limitations très légères du numérique et en promouvant l’auto regulation.

On a créé le concept de « meilleures technologies disponibles », les outils numériques présumés les meilleurs disponibles et dont il faut se doter.

  • La gouvernance environnementale est très liée au marché et à la collecte de données.

En informant les consommateurs on les oriente vers les « bons » choix.

Emphase sur les mécanismes de compensation.

  • La collecte massive de données permettrait de rentrer dans les boucles de rétroaction positive qui avec les optimisations itératives successives tendrait vers une société durable.

Concept de « Reg Tech » https://en.wikipedia.org/wiki/Regulatory_technology

Tendance vers l’uniformisation des données et leur numérisation

Utilisation toujours plus importante du numérique pour rendre les processus plus efficaces

Idée 2 : La critique de ce changement dans la gouvernance environnementale de l’UE

  • L’objet régulé change et devient la donnée environnementale.

  • La numérisation du monde ouvre de nombreuses possibilités nouvelles aux juristes.

Les outils numériques aident à voir de nouvelles choses, de nouveaux aspects de ces choses par la modélisation.

Emergence de nouvelles échelles de gouvernance (traçabilité)

  • Questionnement sur l’origine des données environnementales et sur leur gestion (décision d’utilisation, accès)

Législation européenne actuelle peu efficace sur ces points

Le manque de données et leur incertitude sont utilisées pour retarder la décision (en matière de législation ou de projet … Procrastination ?)

  • Questionnement sur les limites de cette transition jumelée (Twin Transition)

Le coût de la massification du numérique versus le coût environnemental associé

L’exclusion des alternatives aux solutions numériques va concentrer l’économie sur quelques acteurs

Transfert de la responsabilité des producteurs vers les consommateurs

Croissance de la surveillance

Conclusion :

  • Le droit n’est pas prêt pour cette transition « jumelle »

  • Interrogation et focus sur la manière dont les données environnementales sont produits, utilisées et partagées

  • Le droit de l’environnement n’est pas encore équipé pour cela

Différents points intéressants à retenir pour notre projet

  • Les outils numériques dans un cadre Low Tech doivent être utilisées à bon escient et avec un souci de ne pas rejeter d’autres alternatives qui pourraient exister.

  • Les outils numériques peuvent constituer une aide importante en matière de durabilité et soutenabilité d’un projet à condition de ne pas négliger les impacts qui pourraient résulter du fait de leur utilisation (consommations de ressources induites, ACV global).

  • La collecte de données préalables et leurs quantités ne doivent pas devenir un frein à la décision ou l’innovation. 

  • Il est encore trop tôt pour affirmer que « la solution » au problème de changement climatique est le développement intensif de la numérisation et donc des outils numériques associés.

  • La tendance législative et règlementaire en matière environnementale est d’aller vers une gouvernance par les données : « data driven ».

Lectures associées

Il sera intéressant de garder en mémoire les chapitres du Cours IS03 sur les « communs numériques »  et l’évolution vers le permacomputing. (Support de cours de Stéphane Crozat et l’article de Sophie Kloetzli, 2024 « Le permacomputing ou quand la permaculture s’applique à l’informatique https://usbeketrica.com/fr/article/le-permacomputing-ou-quand-la-permaculture-s-applique-a-l-informatique ) 

Le développement des projets Low Tech pour une ingénierie durable et soutenable doit se faire en regardant la globalité du processus que ce soit dans le cycle de production, de l’utilisation ou de la fin de vie. Le numérique et la technologie sont des outils nécessaires et souvent vitaux mais ils ne peuvent constituer,  seuls,  la solution pour régler les problèmes de changement climatique ni à établir une société idéale  durable.